Ma nouvelle vie
Cette rencontre avec Alain
Souchon allait changer ma vie.
Il racontait bien son
histoire, parlait de sa triste vie avec émotion et aussi humour. Il était très
marrant mon nouveau copain.
On nous appelait les Alain. La
directrice essayait en vain de nous séparer, elle faisait semblant d’être
sévère et avait du mal et parfois n’arrivait même pas à retenir sa propre envie
de rire. On s’est même un jour retrouvés dans la rue, les gens nous prenaient
pour des fous. C’est vrai que je n’ai jamais vu, depuis, quelqu’un avec un fou
rire dans la rue…
Nous habitions tous les deux avec
une mère, une grand-mère, et un frère dans le même genre d’appartement, HLM
amélioré. La mère d’Alain écrivait des romans à l’eau de rose son nom d’auteur
était un anagramme de Madeleine Pierre et Alain : Nell Pierlain. J’étais
impressionné de côtoyer un écrivain.
Elle avait de l’esprit et elle
aussi me faisait rire, d’ailleurs je la faisais rire moi aussi, encore des fous
rires.
La grand-mère d’Alain avait un
fort accent, elle roulait les « r ».
« Il nous casse les
orrrreilles la gauffrrrrette avec son Santiano ! »
Rien à faire. Le seul nom
« galvanomètre à cadre mobile » le faisait mourir de rire et bien sûr
moi avec à la fin…Si un jour vous le rencontrez, au lieu de lui dire que vous
aimez ses chansons dites lui : « galvanomètre à cadre mobile »,
vous verrez…
Notre prof de géographie nous
avait demandé de faire la carte de France en pâte à modeler (il ne savait
décidément pas quoi inventer pour nous
intéresser).
On était donc installés dans
la cuisine d’Alain avec nos plaques de contre-plaqué, nos bâtons de pâte à
modeler, du vert pour les forêts, du marron pour les montagnes (sûrement du
blanc pour le Mont-Blanc) et du bleu pour les mers et les fleuves.
On avait décalqué la carte de
France pour la recopier sur nos plaques. Il avait fallu sacrément réfléchir
pour trouver comment recopier ce calque.
Puis on modelait la pâte, en
la roulant vivement, en la pétrissant entre nos mains et on l’appliquait en tas
plus ou moins gros. Avec un couteau de cuisine on façonnait les montagnes,
reconstituant les vallées comme sur la photo du livre (tiens, l’auteur était
monsieur Kienast !) et jetant souvent des coups d’œil au travail de
l’autre. Ca prenait forme.
On était assez satisfaits et
même surpris d’y être arrivés. Bon, il est vrai qu’un enfant de 5 ans aurait
fait mieux mais lui au moins avait l’entraînement !
Et puis il fallait coller des
étiquettes pour le nom des sites et des principales villes.
On était penchés studieusement
et collions en nous appliquant. Soudain, j’entends un petit rire naissant, je
lève la tête et vois mon copain hilare. Il me montre sa carte. Il avait appelé
un fleuve « Crack ». Et ça a déclanché une avalanche d’inventions de
noms qui nous faisaient de plus en plus rire.
Le prof n’a rien remarqué car
il avait dû apprécier l’œuvre artistique et n’avait pas contrôlé les noms. On a
eu des bonnes notes.