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Tant que je me souviens...
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6 janvier 2007

En 1968

En 1968 j’avais donc 24 ans. C’était l’époque où je jouais du piano dans ma formation New Orleans : « le Canal Street Band ». (Voir la période New Orleans).

Mon copain Alain habitait maintenant dans un petit appartement de 2 pièces, rue Quinault dans le 15ème arrondissement de Paris.

On se disait parfois que nos vies familiales avaient des similitudes : deux mères seules, deux frères, deux grands-mères bien présentes installées chez nos mères, donc chez nous dans de petits quatre pièces à loyers modérés. Sa grand-mère aussi avait un fort accent mais plutôt de St Etienne, elle roulait les rrr.. Elle n’aimait pas, bien sûr, les nouveaux chanteurs que nous, nous adorions. Elle appelait Hugues Aufray : « la Gaufrette », les yeux au ciel, l’air consterné.

La rue Quinault était donc pour nous un refuge en dehors des appartements de nos mères. C’était la liberté de vivre comme on le voulait sans les contraintes et les classiques obligations familiales. On y recevait, bien sûr, nos copines. L’appartement était sous les toits, au 6ème étage. Un soir, j’y étais monté avec une jeune fille que je venais de rencontrer. La clef n’était pas sous le paillasson ! Grosse déception. Ma copine ne s’est pas démontée. Elle était acrobate dans un cirque. Sans hésiter, elle a escaladé le mur du palier, ne s’accrochant à rien, et a atteint, telle une mouche, le vasistas du plafond, l’a ouvert d’une main et a disparu sur les toits. Une minute après la porte s’ouvrait. J’étais soufflé, bluffé ! Et, heureux…

Alain écrivait des chansons, plutôt des textes, qu’il chantait accompagné à la guitare. J’étais son seul auditeur car, peu sûr de lui, il n’osait pas les chanter en public de peur d’être ridicule. Lorsque je l’y encourageais devant les autres il changeait de sujet, furieux après moi. Je n’y arrivais pas, à ma grande déception car moi je les trouvais géniales. Mais chanter c’était quand même son « truc ». Il voulait être chanteur ou plutôt aurait bien aimé être chanteur. Mais voilà, les chanteurs à succès, en dehors des « Yéyé », Jacques Brel, Léo Ferré, Jean Ferrat étaient des chanteurs puissants, contestataires, avec des voix fortes et assurées. Alain, lui, était modeste, ses chansons étaient plutôt douces et pessimistes, sans engagement politique ou social. Il voulait malgré tout essayer d’en vivre. Alors, on allait dans les cafés « Rive gauche », très recherchés, où se produisaient les artistes montants de l’époque, ceux qui avaient au moins sorti un disque : Anne Vanderlove, Anne Sylvestre, Maurice Fanon…

Il fallait évidemment passer des auditions chez Georges, à l’Ecluse, à la Contrescarpe…

Georges avait bien voulu essayer… Son café était très à la mode. Tous les « intellectuels » ou du moins les amateurs de chansons à textes s’y bousculaient. Une vague d’intérêt pour ces chansons commençait à envahir Paris parallèlement aux idées nouvelles et à la contestation naissantes. Il faut dire que, encore peu d’années avant, la chanson était représentée par Georges Guétary, André Claveau, Mireille, Tino Rossi, Luis Mariano, Jean sablon… chantant exclusivement l’amour sur des textes mielleux.

Le soir de la première « scène » d’Alain, énorme trac. On est arrivés rue des Cannettes et au lieu d’entrer directement dans le café, Alain a caché sa guitare dans une porte cochère et est allé voir, « incognito », à quoi ressemblait l’ambiance ; puis il est enfin entré dans le cirque enfumé, s’est assis sur le haut tabouret et a chanté. Succès moyen mais au moins il avait, pour la première fois, chanté en public et touché son premier cachet.

Symboliquement il était devenu chanteur professionnel.

Ensuite se sont succédées les auditions avec plus ou moins de réussite. On avait vu dans un journal qu’une maison de disque recherchait de jeunes talents avec un disque à la clef. La consécration ! On s’est entraînés sur une chanson, je l’accompagnais au piano.

Le jour de l’audition, nous avons fait la queue sur le trottoir avec les autres candidats, guitares à la main. Tous avaient des cheveux longs, chemises à fleurs et pantalons patte d’eph’. Pas nous.

A notre tour, nous sommes entrés dans le studio d’enregistrement. Derrière la vitre un type plutôt jeune, directeur artistique, nous accueillit les pieds sur la console presque allongé sur son fauteuil à bascule. Visiblement, il s’ennuyait énormément. A travers le micro il nous dit d’y aller. Je m’installe au piano, Alain sort sa guitare et se met à chanter. Très vite il est interrompu par la voix du type qui nous fait signe de le rejoindre. Sans se lever il lance à Alain : « Gâtez votre voix ». Ce fut tout. Et on est repartis déçus et humiliés par le comportement de ce type. Pas de disque, plus de carrière. C’était mal barré.

France Inter organisait le « Concours de La Fine Fleur de la Chanson Française» par Luc Bérimont, un poète reconnu. Alain s’est inscrit, mais il n’a pas gagné. En revanche ce que nous avons gagné ce fut la rencontre avec deux jumelles chanteuses, jolies, blondes, élancées, racés, superbes… Anne et Carole qui chantaient sous le nom des « Lucioles » en s’accompagnant à la guitare. On a discuté dans les coulisses de la salle. Elles étaient hautaines, méfiantes, solidaires et vraiment jumelles. Elles avaient une 2 Cv, Alain une 403. On les a suivies dans Paris jusqu’à ce qu’elles s’arrêtent, excédées et nous envoient promener. Comme elles nous avaient quand même donné leur adresse on les a retrouvées en Normandie où elles habitaient une maison chez leurs parents, retraités de l’enseignement. On y est allés une nuit et avons jeté des cailloux dans les carreaux des chambres du premier étage. On aurait pu tomber sur la chambre des parents mais l’une des sœurs est apparue à la fenêtre et, effarée, nous a dit : « mais qu’est-ce que vous foutez-là ? » Alors on est repartis, déçus mais pas battus.

On a insisté et comme parfois dans ce cas là, petit à petit on est arrivés à nos fins. Leurs parents leur avaient acheté un appartement dans le 20ème arrondissement. On s’est donc installés tous les quatre et avons vécu ainsi une vie tumultueuse pendant 2 ans.

Alain et elles avaient créé un trio : « Marie, Anne et Julien ». Ils trouvaient que Marie sonnait mieux que Carole et Julien mieux qu’Alain, pour la scène. Ils furent engagés à la mythique « Contrescarpe », une consécration ! Pendant ce temps, je jouais du piano dans les caves de St Germain des Prés. On se retrouvait « chez nous », tard dans la nuit, où l’on discutait et se disputait jusqu’au petit matin…

Avant cette rencontre on vivait, difficilement, avec peu de choses, peu de besoins.

Peintres en bâtiments amateurs, on barbouillait des appartements pour pas cher avec un troisième copain, Bernard. Rencontré dans le cours privé de la rue des Martyrs il nous avait plu car rebelle, complètement absent de l’école et dégageant une force que nous n’avions pas. Il était sportif, champion de France junior de gymnastique, il nous faisait des exhibitions qui nous bluffaient. Il était drôle mais vite énervé : il ne supportait pas la contrariété. Un mot de travers en cours, les rares fois où il venait, et il partait en claquant la porte.

Il habitait chez ses parents près du cours dans le 9ème. Son père, gynécologue, était lui aussi une force de la nature. Il avait construit, près de Paris, une tour moyenâgeuse où nous allions souvent et que nous escaladions, entraînés par Bernard. On marchait, on riait, on parlait, on essayait de trouver ce qu’il pouvait y avoir de bien dans la vie qu’on nous proposait ou plutôt ce qu’il pouvait y avoir de mieux dans une vie ailleurs. Aller dans le Larzac élever des moutons, comme tout le monde ? Partir dans un pays étranger ? Bref, partir… Mais où et que faire ? Alors on restait là à se retrouver le plus souvent possible, à rêver, à rire et à s’inventer des vies.

Un jour, après le Bac où il ne s’est d’ailleurs pas présenté, Bernard est parti définitivement de Paris pour s’installer près d’un des demi-frères d’Alain, guide de haute montagne, qui habitait aux Houches en Haute Savoie. Il voulait, lui aussi, devenir guide. Mais voilà il n’était pour ainsi dire jamais allé à la montagne. Alors que tous les guides étaient des gars de là-bas, « montagnards » depuis tout petits. Il campait au fond d’une casse automobile, dans la neige, et apprenait, tout seul, à skier, le minimum pour son projet et surtout pour faire croire qu’il était de la montagne aux autres gars du coin. Toute la journée il montait à pied, les skis sur l’épaule, des pentes de neige et les descendait, difficilement. Il n’avait jamais fait de ski de sa vie. Comme il était doué pour le sport et incroyablement tenace il y arriva petit à petit. Il s’inscrivit à l’école des aspirants guides d’abord, se faisant passer, sur les conseils du frère d’Alain, pour un fils de paysan. Deux ans d’apprentissages très durs, très physiques, qu’il a réussis. Puis il est entré à l’école des guides et est devenu, enfin, guide de haute montagne.

Après quelques années, il s’est reconverti en professeur de ski et même professeur des moniteurs de ski ! Maintenant, il est titularisé par l’Education Nationale et a une responsabilité importante dans la vie des sports de neige locale. Un parcours incroyable !

Avec Alain, pendant ce temps, on peignait beaucoup pour assumer notre indépendance. Les gens, inconscients ou voulant vraiment faire des économies ou tout simplement nous aider, nous confiaient leurs appartements à rénover. On faisait bien sûr de notre mieux mais sans expérience et sans conviction. Mais au moins nous on s’amusait car on caricaturait les gens, on singeait les peintres professionnels.

Un jour, les parents d’un copain d’école nous ont envoyés repeindre une salle de bain dans leur maison de campagne près de Paris. Ces gens nous aimaient beaucoup, la mère surtout, que l’on distrayait et faisait rire avec nos clowneries. Ils habitaient un appartement somptueux à deux étages dans le 16ème. On aimait y aller et chanter, avec la guitare et le piano à queue. On y organisait même des fêtes avec le fils de la maison quand les parents n’étaient pas là. C’était démesuré surtout pour nous qui ne connaissions que les appartements modestes de nos mères. Les filles du quartier étaient belles et élégantes même à nos ages. Tout ça était artificiel mais tellement beau !

Nous sommes donc partis peindre, notre acompte en poche. La maison de campagne était sous la neige, bien chauffée, meublée de belles choses, une cave à vin bien remplie, beaucoup de whisky et de Coca Cola. On s’est installés pour huit jours.

Nous sommes allés à Rambouillet faire les courses et essayer de trouver quelque compagnie…

Dans le supermarché, nous avons acheté nos provisions et aux caisses avons regardé… les caissières. Il me vient une idée : je me penche vers notre caissière et dans l’oreille lui demande si elle ne voulait pas venir passer la soirée dans la maison… bla bla bla… et surtout si elle n’aurait pas une copine jolie… bla, bla, bla… Et là j’assiste à quelque chose d’incroyable : elle hoche la tête, se lève et va vers ses collègues caissières une par une. Elle leur parle à l’oreille, les caissières nous regardent et font oui de la tête. Au bout de la 4ème elle s’arrête, heureusement car je commençais à paniquer. Ainsi, le premier soir, on s’est retrouvés avec plein de caissières dans la maison.

Les jours passaient et on ne peignait pas.

L’avant-dernier jour, on décide de s’y mettre. On retourne au super marché pour acheter la peinture. Comme on riait énormément de je ne sais plus quoi, et qu’on avait mis nos habits de peintres couverts de peinture, le vigile attrape Alain par l’épaule et l’expulse sous mes cris indignés.

Nous sommes rentrés avec la peinture achetée ailleurs et avons commencé à faire la teinte. La propriétaire voulait une salle de bain laquée bleu Roi c'est-à-dire très très foncée. Notre procédé habituel était d’acheter de la peinture blanche et de la teinter avec des tubes de colorants. Donc, nous délayons les 2 ou 3 petits tubes de bleu dans l’énorme fût de peinture. Rien, peinture toujours blanche. Nous retournons en acheter. 5 tubes, et nous délayons…

Rien, légèrement moins blanc. Nous retournons à Rambouillet (10 kms) et achetons un gros tube de colorant. Nous délayons. Bleu légèrement plus bleu. Nous retournons à Rambouillet et achetons plein de gros tubes. Enfin, la peinture devient bleu Roi.

Et nous peignons, la nuit, après le « dîner » et quelques whisky Coca. La laque est passée directement sur la vieille peinture, sans préparation mais comme c’était une ancienne laque sans fissures… Arrivés à la porte, plus de peinture ! On a eu beau tirer et étirer ce qui restait au fond du fût, impossible de finir et bien entendu impossible de retrouver la teinte, d’ailleurs, il ne nous en restait plus.

On a laissé un gros manque derrière la porte, en se disant que la porte ouverte il ne se voyait pas… Et puis on était fatigués. Le lendemain, première chose, aller voir le résultat de l’ensemble. Pas si mal ! Peut-être pas assez couvert, mais avec une seule couche il ne fallait pas s’attendre à autre chose. Bon, est-ce sec ? Je passe délicatement un doigt sur la peinture et là elle part en poudre ! On avait tellement mis de colorant à base d’eau dans de la peinture glycérophtalique qu’il avait dû se produire une réaction qui l’avait dénaturée. Alors on s’est mis à souffler sur les murs. Des nuages bleus remplissaient la pièce et nous recouvraient. On était tout bleus ! Et plus on était bleus plus on soufflait et plus on rigolait, une énorme rigolade ! Mais comme il fallait rentrer on n’avait plus la possibilité de faire quoi que se soit pour réparer ce désastre. On était terriblement embêtés. Comment annoncer la nouvelle à cette dame ? On comptait y retourner pour refaire le travail, proprement cette fois, mais on avait honte. On laissait passer les jours sans oser l’appeler sachant que comme c’était l’hiver elle n’irait pas avant quelques mois dans sa maison. Cela nous laissait un peu de répit. Mais très vite, son fils nous dit qu’elle voulait nous voir. Panique générale ! On s’est rendu dans le somptueux appartement, morts de trac. La dame était assise dans son canapé et en voyant les deux coupables a éclaté de rire :

« Je suis allée hier dans la maison, c’était incroyable… la salle de bains… de la poudre… ha ! ha ! ha! »

On était sidérés, on ne s’attendait pas à ça. Alors on a ri avec elle puis commencé à lui dire que nous allions, très vite, y retourner, mais elle nous a interrompu pour nous annoncer qu’elle avait déjà contacté un peintre professionnel. On était encore plus gênés, on s’empatouillait dans des explications, on protestait, on lui dit que nous allions la rembourser de l’acompte qu’elle nous avait versé. Mais là on l’a choquée. Pas question ! En fait, pour elle, elle nous avait en quelque sorte offert des vacances. Elle était vraiment formidable…

Comme la passion d’Alain était la chanson, il me faisait découvrir ses chanteurs modèles surtout Brel et Ferré. On est allé voir Brel à l’Olympia. Quel moment ! Des chansons fortes, une présence inouïe, accompagné par l’orchestre de Gérard Jouannest, son fantastique pianiste compositeur. Nous étions là lors des adieux de Brel en 1966, sa dernière scène, où il a chanté pour la première et dernière fois, il me semble, Amsterdam. Un triomphe, du délire je ne sais plus combien de rappels, mais c’était interminable, Brel revenait, à la fin, en peignoir, il avait eu le temps de prendre sa douche, on était toujours là à l’ovationner, les gens criaient : « Merci !» C’était incroyable !

Beaucoup plus tard, un jour qu’Alain préparait, lui aussi, l’Olympia j’étais passé le voir pendant une répétition, un après-midi. Quelle impression, d’être sur cette scène et de regarder la salle vide ! Il me dit : « Tu te souviens, on était assis là » Il me montrait deux fauteuils, au bout d’une rangée, je nous revoyais et tout est revenu, surtout cette soirée inoubliable. Quelle drôle d’impression ! Je voyais ce que Brel avait vu car la salle s’était soudain remplie dans mon souvenir, j’entendais même les cris et les applaudissements…

Brassens était aussi une référence dans ce nouveau monde de la chanson contestataire. Il était plutôt un poète, timide donc ne faisant pas partie des ténors révoltés de la scène. Mais on adorait ses chansons, extraordinairement bien écrites, belles et acides que tout le monde chantait au coin du feu.

Brel était un révolté qui mettait à mal la bêtise humaine, Léo Ferré, lui aussi était un chanteur engagé et contestataire mais politique, un anarchiste, un anar comme il disait.

Il existait déjà le Monde Libertaire, un journal anarchiste grand porte-parole de la contestation du moment dont le slogan est : « Ni Dieu Ni Maître» Un soir de mai 68, mois comme les autres, année comme les autres, nous sommes allés au Palais de la Mutualité, Bd St-Germain, pour voir Léo Ferré à un concert organisé par Le Monde Libertaire.

Cette soirée, nous ne le savions évidemment pas ni personne d’ailleurs, allait mettre le feu aux poudres. La « révolution » avait déjà commencée chez les étudiants qui occupaient les Universités, les ouvriers solidaires en grève mais tout ça ne ressemblait qu’à un gros bazar désordonné, un mouvement d’intellectuels qui s’affirmaient publiquement et sans profondes conséquences. Erreur ! Si la révolution politique n’a été qu’un pétard mouillé car elle s’est finalement terminée par le retour en force de la droite majoritaire, elle a bouleversé profondément la société. Elle était auparavant dirigée de main de fer par les adultes qui savaient tout, décidaient de tout, avenir, goûts musicaux, vestimentaires, comportement des jeunes…

Mai 68 a renversé ce pouvoir. Les adultes se sont mis à écouter les jeunes, tenir compte de leurs idées, les imiter même. Ils se sont fait, eux aussi, pousser les cheveux, ont acheté les mêmes disques…

Mais tout ça, ce soir de mai, nous n’en avions pas le moindre pressentiment. On assistait, presque amusés, à ce début d’agitation, pénurie d’essence, difficulté d’approvisionnement des magasins, bref, ça ne nous concernait pas.

La salle de la Mutualité était bourrée à craquer et bruyante. Léo Ferré a déclenché une hystérie inimaginable. A chacune de ses paroles, ou presque, les gens hurlaient.

Il chantait : « Les Anarchistes », ça tombait bien. A la fin du concert une femme assez déguenillée, en basket et les cheveux gras, sûrement une interprète du mouvement féministe, est montée sur scène et à hurlé dans le micro : « Camarades, tous sur les barricades ! ». Alors dans un hurlement général la salle s’est vidée et on est restés tous les deux à attendre qu’il n’y ait plus personne, assez angoissés par cette folie collective. Nous, on était juste venus écouter Léo Ferré.

Lorsque l’on est sortis le Bd St Germain était en train de se transformer en champ de bataille. Des centaines de jeunes déchaînés arrachaient les pavés, construisaient des barricades avec tout ce qu’ils trouvaient, des chaises de bistrots restées dehors, des grilles de platanes, des bancs publics… Et ils commençaient à brûler des voitures. C’était impressionnant, ça faisait même plutôt peur. J’avais acheté 400 Frs une 203 chez un garagiste de Normandie, un peu plus loin. Dans quel état allais-je la retrouver ? Elle était bien à sa place et nous sommes partis pour rentrer chez nous. Sauf que certaines rues étaient barrées. Alors il fallait faire demi tour et essayer de trouver un passage pour quitter ce Quartier Latin en folie. N’y arrivant pas, je me suis arrêté devant une barricade, suis descendu et l’ai démonté, en partie, pour passer, sous les regards médusés des « combattants ».

On a enfin pu rentrer, soulagés. Je crois que ce qui nous dérangeait le plus dans tout ça c’était la haine et la violence, surtout qu’on ne comprenait pas ce qui les justifiait à ce point.

Les jours et semaines qui ont suivi ont été démentes. Alors on a pris deux vélos et on est partis à 100 kms de Paris, dans la maison de campagne des parents d’un de nos copains qui, lui aussi, s’était mis à l’écart. Je me souviens que lorsque l’on passait à côté des stations services, de longues queues de voitures attendaient les quelques gouttes d’essence qu’il restait. Ça nous rassurait de ne pas être dépendants de ça.

 

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Commentaires
M
quelle memoire!!<br /> on a a peu pres le meme age..et je ne sais pas si je pourrais me raconter avec autant de detail!!!!<br /> c'est vraiment tres interessant<br /> j'ai parcouru un peu en diagonale,je l'avoue...car j'ai le dejeuner à préparer,et mon cheri va raler si il me trouve devant le pc au lieu d'etre devant les fourneaux quand il rentrera !!!!<br /> bon week end!!!
Tant que je me souviens...
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