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Tant que je me souviens...
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27 février 2007

1969

En 1969, inquiet pour mon avenir, le jazz ne payant pas à mon niveau, je décidai de me lancer dans une vraie vie stable.

Mais voilà, pas le Bac ! Que faire ?

Après des recherches tous azimuts je trouvai une opportunité de rentrer à l’Ecole des Cadres du Commerce et des Affaires Economiques de Neuilly (Ouah !). Il suffisait de passer un concours. Je n’y croyais pas trop car la vie de bohême m’avait un peu lavé la tête de mes quelques connaissances scolaires. Je l’ai quand même réussi et je suis entré dans cette école, regonflé à bloc, rassuré de devenir un cadre avec gros salaires et vie confortable…

Cette école où nous étions nombreux, 1 500 je crois, cohabitait avec une école d’hôtesses de l’air. Inutile de dire que les filles étaient toutes plus belles les unes que les autres, étant là autant pour apprendre un métier que pour trouver un parti parmi tous ces fils à papa, comme on disait.

J’essayais d’apprendre le Droit, l’Economie, le Marketing tout en m’intéressant de très près aux jolies « voisines ». Il faut dire que je ne me sentais pas très à l’aise au milieu de tous ces jeunes bien nantis mais je m’étais fait quelques copains qui m’entraînaient dans leur vie de luxe et je trouvais ça plutôt agréable.

 A la fin de la seconde année se préparait l’élection du Bureau des Elèves. Le candidat favori était un jeune correspondant exactement au profil traditionnel de l’Ecole.

Peut-être pour me rassurer ou mieux exister dans tout ça, je décidai de me présenter. Un vrai défi vis-à-vis de moi-même, je manquais totalement d’assurance pour ce genre d’aventure ! Comme on était au lendemain de 68, mon profil de non fils à papa devait correspondre à une certaine logique et à un besoin de changement.

Après une campagne électorale acharnée je fus élu. Une sacrée victoire pour moi et, je le croyais à ce moment là, pour faire bouger les mentalités.

Une année de règne, à la tête d’une grosse organisation, courtisé par les plus belles filles d’à côté, respecté et obéi par les étudiants de l’autre monde.

J’étais devenu un personnage important.

L’Ecole avait été sollicitée par la Croix Rouge pour participer à une journée humanitaire contre le cancer avec la participation d’RTL. C’était, je crois, une première. Toute la journée de centaines d’étudiants récoltaient des dons dans Paris, aidés par les stars du moment. RTL avait mis à notre disposition des Triumph TR4 à ses couleurs pour sillonner Paris à la récolte des fonds. Ce fut un succès considérable. Les gens descendaient dans la rue à notre recherche et nous couvraient de billets de banque. Je mes souviens avoir convoyé, sur le siège du passager, un monceau de billets que j’avais jetés en vrac. Tous les récolteurs en avaient plein les poches, ça débordait. Je me suis d’ailleurs demandé, après l’opération, si toutes les poches avaient été entièrement vidées… Bref ce fut une journée de folie.

Un moment important de la vie d’une grande école est le gala de fin d’année. Chacune essaie d’organiser la soirée la plus prestigieuse, la plus inoubliable.

Dans mon bureau, j’avais un copain chargé des loisirs. Petit, avec de grosses lunettes, il ne payait pas de mine mais était d’une efficacité redoutable. En plus de ses études il « travaillait » pour un chanteur quelque peu sur la touche, Danyel Gérard, l’homme au chapeau. Après de gros succès dans les années soixante, sa période militaire l’avait écarté du star system et il écrivait des chansons pour les autres, comme on dit. Le Petit Gonzalez, les Vendanges de l’Amour pour Marie Laforêt, notamment, et il s’était reconverti dans la production et l’édition de disques. Mon copain l’aidait, fier d’accompagner un chanteur encore connu. Les affaires allaient moyen jusqu’au jour où il sortit « Butterfly », un tube énorme à l’étranger. Il vivait au Montana, hôtel célèbre de St Germain des Prés pour ses concerts de jazz. Il sortait toutes les nuits, allant d’un restaurant à l’autre et finissant par une tournée de toutes les boîtes de nuits accompagné par mon copain, un cousin chauffeur et moi maintenant. Je trouvais ça magique, invité dans ces restaurants et ces boîtes « branchés », à la même table que les stars de la chanson qui souvent dînaient ou discutaient avec nous.

Très vite je fis accepter mon copain Alain qui lui aussi aimait bien cette nouvelle vie nocturne. Un soir, notre bienfaiteur chanteur nous emmène dans un petit restaurant très intime au rez-de-chaussée du célèbre cabaret Le Don Camillo, rue de Saints Pères. Endroit petit, très fermé, lumière rouge tamisée, réservé à des habitués triés sur le volet. On y côtoyait Charles Trenet, seul à une table, se faisant insulter je ne sais plus pour quelle raison par Claude Nougaro, bref, on était en famille. Assis à une grande table, entouré de sa « cour », notre chanteur discutait affaires avec un personnage du show business. Thierry le Luron, tout jeune, attendait debout, une opportunité pour pouvoir s’adresser au producteur-chanteur et lui demander de l’auditionner. Alain et moi ne nous sentions pas concernés par l’ambiance de la table sommes montés sur une sorte d’estrade où étaient installées quelques tables, à l’écart. On s’assit à la table mitoyenne d’un jeune homme qui dînait seul. La conversation s’engagea mais comme il était anglais ce fut Alain qui parla.

- « Vous venez souvent à Paris ? »

- « Parfois »

- « Vous êtes d’où ? »

- « Liverpool »

- « Ah ! Liverpool, j’y suis allé quand j’étais barman en Angleterre »

- « Vous faites quoi ? »

- « Je suis chanteur »

- « Moi aussi je voudrais être chanteur mais c’est dur ! » (Alain n’était pas encore Souchon).

Bref, ils discutaient et moi je ne comprenais presque rien.

Après le départ de notre voisin nous avons rejoint le groupe.

- « Alors, qu’est-ce qu’il vous a dit ? »

- « Qui ? Le type là-haut ?»

- « Oui »

- « Bah, des trucs, on a parlé de ce qu’on faisait, c’est un anglais de Liverpool où je suis allé quand j’étais en Angleterre… et il est chanteur, il est venu rendre visite à un copain qui enregistre à Paris. »

- « Tu lui a demandé ça ? »

- « Bah oui pourquoi ? »

- « Mais c’était Paul ! »

- «  Paul qui ? »

- « Mais Paul McCartney ! »

Alors là ! On est restés ahuris. Comment c’était possible, on ne l’avait pas reconnu. Faut dire qu’il faisait sombre et qu’il était la plupart du temps de profil. Et Alain qui lui avait demandé ce qu’il faisait dans la vie ! Il avait dû se demander d’où on sortait, d’autant plus que les Beatles étaient, à cette époque-là, au sommet de leur gloire.

Plus tard, le patron de l’endroit nous a raconté qu’après le dîner, Paul était descendu au sous-sol dans la boîte de nuit. Le lendemain il est revenu mais la rue était remplie de journalistes, il a dû s’enfuir.

Pour en revenir au gala de mon école, j’avais, grâce à mes nouvelles relations, réussi à concocter un plateau prestigieux. Julien Clerc, Les Parisiennes, et d’autres que j’ai oubliés.

J’avais pris le jeune inconnu Thierry Le Luron pour animer la soirée. Il est arrivé avec des partitions et voulait que je l’accompagne au piano dans certaines de ses imitations. Mais comme je ne savais pas les lire il n’a pas eu de pianiste. Il était très déçu.

La soirée avait lieu au Pré Catelan, lieu de réception prestigieux du Bois de Boulogne.

Une foule énorme voulait entrer. La salle pourtant immense était déjà pleine. Bousculades, énervements, qui finirent par faire exploser une des grandes baies vitrées. Invasion de cette horde qui, de plus, est entrée sans payer ; j’étais paniqué.

Le lendemain, au moment de faire les comptes, croyant au moins avoir enrichi l’association, je constate qu’il n’y avait presque rien. Les caisses de l’entrée avaient été pillées !

Ce fut finalement un énorme fiasco, j’étais effondré. L’école a dû renflouer l’énorme déficit. J’ai terminé mon mandat la tête basse, l’assemblée générale a voté mon quitus financier mais de justesse…

 

 

 

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Commentaires
F
je viens de parcourir votre blog, très beaux récits parfois à mourir de rire! continuez svp c'est passionnant!
Tant que je me souviens...
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