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Tant que je me souviens...
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3 mai 2005

Le déménagement

La maison de la rue de Romainville devenait trop vétuste, la société où travaillait ma mère quittait le centre de Paris pour aller s’installer dans l’ouest de la capitale donc au diable. Deux bonnes raisons pour déménager. D’ailleurs, tout ce quartier est passé à la moulinette. Les bulls ont effacés en quelques jours des siècles de vies qui se tenaient les unes aux autres, de générations en générations.

Ma mère avait trouvé un appartement à Levallois-Perret, limitrophe de Paris, au nord-ouest . Levallois est pris entre Clichy à l’est, Neuilly à l’ouest et le 17ème arrondissement au sud.
Nous étions en 1958 et ce quartier était celui de la casse et de la récupération automobile, on y voyait, entre autres, de grandes voitures américaines à vendre pour des bouchées de pain.
A l’autre bout de la commune, au bord de la Seine, étaient installées les usines Citroën ce qui devait expliquer la présence de tous ces garages de voitures d’occasion et de pièces détachées. De par ses activités Levallois était populaire ouvrier, le 17ème était bourgeois et Neuilly la banlieue riche de Paris.

Entré en 6ème, j’allais à l’école dans un cours privé situé place de la Porte Champerret.
Si, rue de Romainville, j’avais aperçu quelques « nantis » et en particulier les amis de mon père, là, je les côtoyais chaque jour à travers mes copains de classe. C’était difficile pour moi car ils étaient différents. Je voyais bien que leurs vêtements étaient mieux, ils parlaient naturellement de choses que je ne connaissais pas et se moquaient parfois de mon ignorance sur des sujets élémentaires de la vie. Il faut comprendre qu’à cette époque lorsque l’on vivait dans un milieu modeste on ne soupçonnait pas ce qui se passait ailleurs. Donc, toute rencontre et découverte d’un autre monde, pourtant si proche, était une curiosité et faisait réfléchir. Je regardais avec intérêt ces personnages nouveaux, jeunes de mon âge, à qui les parents avaient transmis leur assurance et la confiance en soi. Ma grand-mère Léontine m’avait toujours dit : « Surtout ne te fais pas remarquer, fais comme les autres… ». Eux, se faisaient remarquer et imposaient leur personnalité. Je trouvais que c’était mieux.
Pour essayer d’être au niveau, je disais que mon père avait une DS 21 Injection Electronique même si cela n’épatait personne, moi ça me regonflait. Le premier jour où il est venu me chercher à la sortie ce fut une catastrophe, il était en 2cv !  Je suis monté dans cette voiture de pauvre et mon père était très fier de me la faire découvrir. Elle était très bon marché (justement), il fallait la commander  4 ans à l’avance  et n’était  pas renversable. Citroën avait même invité le public à l’aéroport du Bourget, sur une piste désaffectée, et lançait le défi aux gens d’en retourner une. Celui qui y arrivait repartait avec une 2cv neuve. Je n’étais pas du tout impressionné mais plutôt mort de honte.

Notre appartement était situé à environ 1 km de l’école, à l’autre bout de Levallois. C’était un modeste immeuble tout neuf, le seul du quartier, qui avait cette particularité incroyable d’héberger dans ses sous-sols la seule concession Rolls-Royce pour la France. Je voyais entrer et sortir ces somptueuses voitures conduites par des chauffeurs stylés et de temps en temps des stars comme Lino Ventura, qui faisait les cent pas en fumant sur le trottoir.

Pour me rendre à l’école je traversais donc Levallois à pied et passais devant un petit cinéma en activité, situé à l’angle de deux rues. Je regardais les affiches et les photos des films que j’irais voir le jeudi : « Le train sifflera trois fois » avec Gary Cooper, « Les Enfants du Pirée » et tout un tas de péplums et de westerns que j’adorais.

Autant mon école était fréquentée par des fils à  papa, autant Levallois grouillait de jeunes « voyous » inoffensifs dont certains étaient mes copains. On allait traîner dans les caves de mon immeuble, on en cherchait une inoccupée et on s’y installait comme dans une caverne. Il fallait à tour de rôle aller rallumer la minuterie. Lorsque l’on entendait des pas on se taisait et on restait silencieux, comme des voleurs. C’était intense.

C’est là que j’ai embrassé ma première fille, une voisine que je trouvais superbe.

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Commentaires
B
C'est très bien écrit en fait.
P
Un petit voyage dans le temps et - pour moi - dans l'espace, et hop c'est déjà fini. Merci et à bientôt!
A
Lumière ! Et hop j'viens de rallumer la minuterie ;o)
S
toujours un plaisir de te lire (et de se rappeler les choses de notre enfance); je l'aurais bien embrassée aussi ta voisine !
B
Ah bonjour moi j'y suis pour rien c'est Anitta qui a mis ton adresse en lien alors comme je suis curieuse je viens voir et il est bien possible que je revienne...
Tant que je me souviens...
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